dimanche 15 juillet 2007

Du travail à la chaîne au travail de foule

Jadis, un travail était effectué par des personnes qui connaissent leur tâche et qui tentent (ou pas) de la satisfaire. Mais les personnes connaissant leur travail coûtent cher, on remplaça ainsi les ouvriers par des machines, et les intellectuels par des amateurs. Voilà, de manière caricaturée, comment nous décrirons dans quelques décennies l'évolution de l'industrie depuis le début du XXe siècle.

Ce que j'appelle le travail de foule, autrement appelé le croudsourcing, est la tendance qu'ont de plus en plus d'organisations à confier des projets à des groupes de personnes "anonymes", et ce contre aucune ou très petite rémunération.

Les exemples ne manquent pas, dans tous les domaines. De Wikipédia à OpenMoko (le téléphone "opensource"), en passant par le blog (dont le mien d'ailleurs). N'importe qui peut se prétendre chanteur, photographe, journaliste ou encore analyste politique.

Cela dit, hormis la valeur de partage que promet ce nouveau phénomène, il soulève plusieurs problématiques:

Manque de qualité:
La première étant le manque de qualité des travaux. Je disait que n'importe qui pouvait se croire journaliste sur internet, mais le problème est que n'importe qui n'est pas journaliste. Une expérience a été menée par Jay Rosen, un professeur de journalisme à la New York University, cette expérience appelée Assignment Zero, tente d'évaluer le travail d'un large groupe (plus de 900 personnes) dans le domaine du journalisme:
“Nous voulons savoir si de larges groupes de personnes très dispersées travaillant ensemble volontairement sur le net peuvent produire des articles sur quelque chose qui se passe dans le monde en ce moment même et, en divisant intelligemment le travail, raconter l’histoire d’une façon plus complète”
Les résultats sont éloquents: moins d'un tiers des réalisations arrive à atteindre une qualité suffisante selon l'initiateur du projet.

Entreprises opportunistes?
Voici le deuxième souci que me pose le croudsourcing, l'opportunisme des entreprises. En effet, on a là une formidable opportunité d'échange et de travail en commun. Mais il s'agit aussi d'une formidable opportunité pour les entreprises de générer du profit, en faisant travailler une foule passionnée et non intéressée. Heureusement, les exemples ne courent pas encore pas les rues (les organisations qui font appel au grand public le font pour l'instant dans des buts "non lucratifs"), mais leur nombre ne peut qu'augmenter. Cela dit, la foule ne peut que se se rendre compte de la valeur de son apport.

Nous avons donc donc là les prémisses d'un nouveau modèle économique qui reste à forger. Une lutte pour le pouvoir est à prévoir, parce que c'est bien de pouvoir qu'il s'agit, entre la "foule" et l'entreprise. Une autre vision de la propriété intellectuelle sera probablement de la partie. Et cela serait intéressent de suivre ce phénomène, surtout avec l'émergence du web 2.0.

Qu'en pensez-vous? L'open source est-il une forme de croudsourcing?